MEDAM est le pendant de MEDAMP, l'observatoire sur la protection de la biodiversité : www.medamp.org
Toute citation ou utilisation d'éléments de ce système de gestion de données devra être mentionné ainsi "MEDAM Université Côte d'Azur CNRS ECOSEAS"

La destruction des habitats en milieu marin par les aménagements du littoral

Une atteinte aux milieux marins sous-estimée

Chaque aménagement gagné sur la mer détruit un habitat sous-marin par recouvrement ou endigage. Une grande densité d’ouvrages gagnés sur la mer sur des surfaces de petits fonds exiguës représente une atteinte quantitativement majeure aux milieux sous marins. Ces destructions sont irréversibles.

L’évaluation des effets négatifs des constructions sur la mer sur les écosystèmes marins est souvent perçue comme une démarche hostile au développement. De ce fait, peu d’études traitent de ce thème conflictuel et politiquement sensible, peu d’engagements financiers et humains sont consacrés à ce sujet. Ainsi la prise en compte des impacts causés par les aménagements gagnés sur la mer est négligée.

Le milieu littoral est de très loin le plus riche en biodiversité

Le milieu marin est partagé en deux ensembles majeurs où des chaînes spécifiques de nutrition sont établies. Il faut ainsi distinguer le milieu pélagique et le milieu benthique.

Le milieu pélagique concerne la pleine mer. La chaîne de nutrition est basée sur le plancton végétal (cellules végétales microscopiques utilisées par le plancton animal et ce dernier par les poissons pélagiques comme les anchois et les sardines, eux-mêmes nourrissant les grands prédateurs : thons, dauphins …). Ce milieu s’étend sur toute la surface des mers et océans et il concerne la zone superficielle bien éclairée (en majeure partie la zone située entre 0 et -100 m).

Le milieu benthique concerne les fonds marins. Font parties de ce milieu les espèces fixées sur le fond des mers ou enfouies dans les substrats marins et celles qui ont besoin de vivre à proximité des fonds pour leur développement ou pour assurer une partie du cycle de leur vie. Ce système de vie est beaucoup plus diversifié que le précédent. Ainsi un groupe d’experts internationaux (1) a souligné ce fait en établissant cet axiome :

« La biodiversité marine est plus élevée dans le système benthique que dans le pélagique »

(1) Joint group of Experts on the scientific aspects of marine environmental protection. GESAMP Reports, N°6, 1997; IMO/FAO/UNESCO –IOC/WHO/IAEA/UN/UNEP

Le milieu benthique littoral est très diversifié dans sa partie superficielle

Les petits fonds bien éclairés (essentiellement entre 0 et -20 m) sont couverts d’une végétation de macrophytes (algues et plantes à fleurs comme en Méditerranée Posidonia oceanica). Cette végétation sous-marine sert de nourriture ou abrite une faune spécifique (herbivores, détritivores etc.). A l’inverse, les fonds où l’obscurité est totale (< -100 m) ne sont colonisés que par une faune peu diversifiée et éparse (ne se nourrissant que des détritus organiques tombant de la surface).

Ainsi le même groupe d’experts internationaux (1) a proposé ce second axiome :

« Les systèmes côtiers sont les plus riches grâce à la diversité des habitats littoraux. »


Les écosystèmes benthiques littoraux ne s’étendent que sur des surfaces exiguës

Les écosystèmes benthiques littoraux les plus riches (où les algues macroscopiques et les plantes à fleur peuvent se développer) ne s’étendent que dans la partie superficielle du plateau continental. Dans certaines régions, comme devant les côtes rocheuses de Provence-Côte d’Azur et devant la côte occidentale de la Corse, le plateau continental est très exigu. L’isobathe -20 m se rencontre le plus souvent à moins de 500 mètres du littoral. La zone la plus riche en termes de biodiversité est dans ce cas réduite à une bande linéaire étroite en bordure des côtes.
C’est sur cet « oasis » linéaire de vie marine que les aménagements du littoral sont construits.

Les ouvrages gagnés sur la mer détruisent les habitats sous-marins

Les aménagements du littoral gagnés sur la mer détruisent les habitats marins les plus riches. L’espace marin couvert (devenu terrestre) est détruit en totalité et les plans d’eau enclavent d’autres espaces en bouleversant les conditions du milieu. L’espace naturel littoral est ainsi chaque fois réduit.

Les destructions sont cumulables

C’est l’addition de l’ensemble des ouvrages construits sur la mer qu’il convient de considérer pour évaluer leur impact global. Ce cumul correspond à la destruction des habitats sous-marins pouvant s’estimer à l’échelle d’ensembles géographiques ou administratifs (état, région, département ou commune) ou naturels (de cap à cap, côte rocheuse, côte alluvionnaire …). Chaque ouvrage supplémentaire va augmenter le taux d’espace marin benthique littoral détruit.

Les destructions sont irréversibles

Contrairement à toutes les autres atteintes au milieu marin les destructions par recouvrement ou par enclavement sont définitives. Autant les collectivités peuvent réduire les polluants à la source (stations d’épurations, limitation des rejets toxiques…) autant il est utopique d’envisager la destruction d’un ouvrage portuaire pour recréer l’habitat sous-marin détruit. De même, il faut éliminer l’idée que les écosystèmes benthiques pourront s’étendre devant les ouvrages construits. Ceux qui existent déjà restent inchangés et les espaces situés au-delà ne correspondent pas aux conditions du milieu détruit par les ouvrages (trop profond, très peu de lumière …)

Les aménagements détruisent irréversiblement les surfaces gagnées sur la mer.

Impacts extérieurs aux ouvrages

Chaque ouvrage présente des particularités d’impact extérieur comme :

•    la dilution des eaux polluées provenant d’un plan d’eau portuaire,
•    la perturbation courantologique induite par l’ouvrage sur la côte,
•    l’ancrage des bateaux dans les rares zones de mouillages naturels, qui augmente après chaque nouvelle construction de port de plaisance.

Effets positifs

Les rochers immergés constituant les endigages représentent une ceinture linéaire très étroite de substrat rocheux (de moins de vingt mètres de large en général). Le plus souvent édifiés sur des substrats meubles ces enrochements qui délimitent des abris sont colonisés ou fréquentés par une flore et faune de substrat rocheux. Bien que cela soit considéré comme un effet indirect positif des aménagements gagnés sur la mer, l’ampleur quantitatif  (surface) de cet apport de support solide est loin de compenser les surfaces détruites par l’ouvrage. De même, les surfaces enrochées immergées sont parfois implantées sur des écosystèmes très riches (herbiers de Posidonies) qui ne se développent pas sur les rochers immergées des digues ou épis. Très souvent on observe même un recul des herbiers de Posidonies par rapport aux derniers rochers immergés qui protègent un ouvrage.

Un développement non durable

L’aménagement du littoral fait partie du développement de l’économie. Les aménagements gagnés sur la mer occupent les petits fonds et artificialisent le linéaire côtier. Surface et linéaire aménageables ne sont pas extensibles. Au contraire, ils se réduisent après chaque aménagement gagné sur la mer. Au fur et à mesure, les espaces naturels se réduisent irréversiblement et les conflits d’usages deviennent plus fréquents. Ainsi, le développement des activités humaines sur la mer n’est pas durable.

RetourRetour

Les atteintes au milieu marin

En tête du palmarès : la destruction irréversible des petits fonds par les constructions gagnées sur la mer.

La destruction de l’habitat est au sommet de la hiérarchie des atteintes à la biodiversité planétaire avant même les impacts des invasions d’espèces allogènes, des pollutions chimiques ou bactériologiques et des surexploitations des ressources vivantes naturelles. Les impacts induits par les changements climatiques majeurs devront bientôt être considérés dans ce classement (Chapin et al. 2000).

Dans ce contexte, la considération de la destruction des petits fonds marins par les constructions gagnées sur la mer et les bouleversements induits par l’artificialisation du trait de côte devaient être évalués pour être, dans l’avenir, mieux suivis et limités. Evaluer le cumul de ces destructions irréversibles d’habitats est l’objectif de MEDAM.

Mais les espèces et écosystèmes marins subissent aussi localement d’autres types d’atteintes à la biodiversité. Pour limiter ces autres atteintes, des efforts collectifs remarquables ont été déployés ces dernières décennies aux niveaux scientifique, administratif ou législatif.

Les atteintes du milieu marin affectant notre santé ou notre économie

Il convient de souligner que pour le domaine marin, les principales atteintes citées, considérées et médiatisées concernent avant tout celles liées à la préservation de notre santé et de notre économie. Ainsi, les gestionnaires du milieu marin gèrent plus particulièrement les pollutions bactériennes ou chimiques affectant la qualité des eaux de baignade ou les productions halieutiques. Au niveau régional, national ou européen des mesures de contrôle multiples, des réseaux d’observation et une législation de plus en plus restrictive conduisant à réduire les sources de polluants ont été mis en place.

Par ailleurs, des efforts sont engagés pour la prévention et le traitement des pollutions affectant l’aspect naturel des côtes comme les marées noires ou l’accumulation de détritus solides (macrodéchets) sur les plages, qui sont toujours très dommageables pour l’économie touristique.
Enfin, des efforts communautaires sont menés pour réguler la surpêche et préserver l’économie de la pêche par une meilleure gestion des ressources halieutiques.

Ces pollutions et la surexploitation des espèces marines font l’objet de la grande majorité des publications scientifiques. Toutes ces pollutions sont réversibles et les effets les plus délétères sur les milieux et espèces sont le plus souvent très localisés.

La préservation des milieux et espèces

En dehors des préoccupations liées à des intérêts sanitaires, touristiques ou de production halieutique, les milieux marins naturels remarquables et les espèces marines en danger font aussi l’objet d’attentions mais les efforts consentis dans ces domaines par les collectivités évoluent peu dans le temps. Ainsi, le nombre de zones marines strictement protégées (sanctuaires surveillés où aucun prélèvement n’est autorisé) n’a guère évolué devant les côtes françaises de la Méditerranée depuis un inventaire quantitatif effectué en 1983 (Meinesz et al.. 1983 et www.medam.org) et le nombre de spécialistes du milieu marin en systématique et en écologie s’est considérablement réduit dans les stations marines universitaires (pour en savoir plus : Meinesz « Protéger la Biodiversité marine » 2021 Ed. Odile Jacob).

RetourRetour

Photos

Afin de visualiser l'évolution du littoral au niveau des zones où des ouvrages ont été gagnés sur la mer, une banque de données iconographiques a été créée.

1628 photographies sont disponibles sur ce site et l'incrémentation de cette banque est continuelle. Les photographies peuvent être récentes ou anciennes (les vues d'un littoral avant son aménagement sont recherchées). Les photographies peuvent être prise en avion ou au niveau du littoral (en mer ou sur terre).

Les images disponibles sont de faible résolution. Les auteurs sont cités et peuvent éventuellement être contactés par mail (liste des auteurs). Des documents nouveaux sont bienvenus : contactez nous pour les mettre en ligne ! (objectifs, procédure, conditions)

img1 mini
img2 mini
img3 mini
img4 mini

Cartographie

Accès cartographique de la base de données permettant de visualiser les contours de l’ensemble des ouvrages gagnés sur la mer et tous les tracés des limites bathymétriques et administratives.

Aménagements

Accès aux caractéristiques, descriptif, année de construction, illustrations et localisation de chaque aménagement gagné sur la mer > à 100 m².

évolution

Accès à la base de données historique : la construction de chaque ouvrage ou partie d’ouvrage a été datée. Elle permet de visualiser sur 487 histogrammes proposés l'évolution dans le temps des constructions sur la mer et ses impacts par découpage administratif (pays, région, département ou masse d’eau DCE).

Nous proposons aussi de visualiser l’évolution des indicateurs par pas de temps.

Le bilan

Pour l’ensemble des côtes françaises de la Méditerranée (hors Monaco et étang de Berre) (voir les « détail » pour des particularités remarquables régionales ou plus locales).

MEDAM Inventaire :

Linéaire du littoral initial : 2 062 km (> voir détail)

Surface des petits fonds avant tout aménagement sur la mer (> voir détail) :

Entre 0 et -10 m : 80 723 ha soit 807 km²
Entre -10 m et -20 m : 88 046 ha soit 880 km²
Entre 0 et -20 m : 168 769 ha soit 1 688 km²
Entre -20 et -50 m : 330 030 ha soit 3 300 km²

Nombre d'aménagements (>100 m²) gagnés sur la mer : 1 050 (> voir détail)

Linéaire artificialisé par ces aménagements : 223,02 km (> voir détail)

Surface gagnée sur la mer par ces aménagements (> voir détail) :

Entre 0 et -10 m : 4 226,13 ha
Entre -10 m et -20 m : 903,70 ha
Entre 0 et -20 m : 5 129,83 ha

MEDAM Impacts :

Taux d’artificialisation du trait de côte : 12,27 % (> voir détail)

Taux de destruction irréversible des petits fonds par les aménagements gagnés sur la mer (> voir détail) :

Entre 0 et -10 m : 5,24 %
Entre -10 m et -20 m : 1,03 %
Entre 0 et -20 m : 3,04 %

Evolution :

Fait marquant, ralentissement très net des aménagements construits sur la mer à partir de 1985  (> voir détail).