La destruction des habitats en milieu marin par les aménagements du littoral

Une atteinte aux milieux marins sous-estimée

Chaque aménagement gagné sur la mer détruit un habitat sous-marin par recouvrement ou endigage. Une grande densité d’ouvrages gagnés sur la mer sur des surfaces de petits fonds exiguës représente une atteinte quantitativement majeure aux milieux sous marins. Ces destructions sont irréversibles.

L’évaluation des effets négatifs des constructions sur la mer sur les écosystèmes marins est souvent perçue comme une démarche hostile au développement. De ce fait, peu d’études traitent de ce thème conflictuel et politiquement sensible, peu d’engagements financiers et humains sont consacrés à ce sujet. Ainsi la prise en compte des impacts causés par les aménagements gagnés sur la mer est négligée.

Le milieu littoral est de très loin le plus riche en biodiversité

Le milieu marin est partagé en deux ensembles majeurs où des chaînes spécifiques de nutrition sont établies. Il faut ainsi distinguer le milieu pélagique et le milieu benthique.

Le milieu pélagique concerne la pleine mer. La chaîne de nutrition est basée sur le plancton végétal (cellules végétales microscopiques utilisées par le plancton animal et ce dernier par les poissons pélagiques comme les anchois et les sardines, eux-mêmes nourrissant les grands prédateurs : thons, dauphins …). Ce milieu s’étend sur toute la surface des mers et océans et il concerne la zone superficielle bien éclairée (en majeure partie la zone située entre 0 et -100 m).

Le milieu benthique concerne les fonds marins. Font parties de ce milieu les espèces fixées sur le fond des mers ou enfouies dans les substrats marins et celles qui ont besoin de vivre à proximité des fonds pour leur développement ou pour assurer une partie du cycle de leur vie. Ce système de vie est beaucoup plus diversifié que le précédent. Ainsi un groupe d’experts internationaux (1) a souligné ce fait en établissant cet axiome :

« La biodiversité marine est plus élevée dans le système benthique que dans le pélagique »

(1) Joint group of Experts on the scientific aspects of marine environmental protection. GESAMP Reports, N°6, 1997; IMO/FAO/UNESCO –IOC/WHO/IAEA/UN/UNEP

Le milieu benthique littoral est très diversifié dans sa partie superficielle

Les petits fonds bien éclairés (essentiellement entre 0 et -20 m) sont couverts d’une végétation de macrophytes (algues et plantes à fleurs comme en Méditerranée Posidonia oceanica). Cette végétation sous-marine sert de nourriture ou abrite une faune spécifique (herbivores, détritivores etc.). A l’inverse, les fonds où l’obscurité est totale (< -100 m) ne sont colonisés que par une faune peu diversifiée et éparse (ne se nourrissant que des détritus organiques tombant de la surface).

Ainsi le même groupe d’experts internationaux (1) a proposé ce second axiome :

« Les systèmes côtiers sont les plus riches grâce à la diversité des habitats littoraux. »


Les écosystèmes benthiques littoraux ne s’étendent que sur des surfaces exiguës

Les écosystèmes benthiques littoraux les plus riches (où les algues macroscopiques et les plantes à fleur peuvent se développer) ne s’étendent que dans la partie superficielle du plateau continental. Dans certaines régions, comme devant les côtes rocheuses de Provence-Côte d’Azur et devant la côte occidentale de la Corse, le plateau continental est très exigu. L’isobathe -20 m se rencontre le plus souvent à moins de 500 mètres du littoral. La zone la plus riche en termes de biodiversité est dans ce cas réduite à une bande linéaire étroite en bordure des côtes.
C’est sur cet « oasis » linéaire de vie marine que les aménagements du littoral sont construits.

Les ouvrages gagnés sur la mer détruisent les habitats sous-marins

Les aménagements du littoral gagnés sur la mer détruisent les habitats marins les plus riches. L’espace marin couvert (devenu terrestre) est détruit en totalité et les plans d’eau enclavent d’autres espaces en bouleversant les conditions du milieu. L’espace naturel littoral est ainsi chaque fois réduit.

Les destructions sont cumulables

C’est l’addition de l’ensemble des ouvrages construits sur la mer qu’il convient de considérer pour évaluer leur impact global. Ce cumul correspond à la destruction des habitats sous-marins pouvant s’estimer à l’échelle d’ensembles géographiques ou administratifs (état, région, département ou commune) ou naturels (de cap à cap, côte rocheuse, côte alluvionnaire …). Chaque ouvrage supplémentaire va augmenter le taux d’espace marin benthique littoral détruit.

Les destructions sont irréversibles

Contrairement à toutes les autres atteintes au milieu marin les destructions par recouvrement ou par enclavement sont définitives. Autant les collectivités peuvent réduire les polluants à la source (stations d’épurations, limitation des rejets toxiques…) autant il est utopique d’envisager la destruction d’un ouvrage portuaire pour recréer l’habitat sous-marin détruit. De même, il faut éliminer l’idée que les écosystèmes benthiques pourront s’étendre devant les ouvrages construits. Ceux qui existent déjà restent inchangés et les espaces situés au-delà ne correspondent pas aux conditions du milieu détruit par les ouvrages (trop profond, très peu de lumière …)

Les aménagements détruisent irréversiblement les surfaces gagnées sur la mer.

Impacts extérieurs aux ouvrages

Chaque ouvrage présente des particularités d’impact extérieur comme :

•    la dilution des eaux polluées provenant d’un plan d’eau portuaire,
•    la perturbation courantologique induite par l’ouvrage sur la côte,
•    l’ancrage des bateaux dans les rares zones de mouillages naturels, qui augmente après chaque nouvelle construction de port de plaisance.

Effets positifs

Les rochers immergés constituant les endigages représentent une ceinture linéaire très étroite de substrat rocheux (de moins de vingt mètres de large en général). Le plus souvent édifiés sur des substrats meubles ces enrochements qui délimitent des abris sont colonisés ou fréquentés par une flore et faune de substrat rocheux. Bien que cela soit considéré comme un effet indirect positif des aménagements gagnés sur la mer, l’ampleur quantitatif  (surface) de cet apport de support solide est loin de compenser les surfaces détruites par l’ouvrage. De même, les surfaces enrochées immergées sont parfois implantées sur des écosystèmes très riches (herbiers de Posidonies) qui ne se développent pas sur les rochers immergées des digues ou épis. Très souvent on observe même un recul des herbiers de Posidonies par rapport aux derniers rochers immergés qui protègent un ouvrage.

Un développement non durable

L’aménagement du littoral fait partie du développement de l’économie. Les aménagements gagnés sur la mer occupent les petits fonds et artificialisent le linéaire côtier. Surface et linéaire aménageables ne sont pas extensibles. Au contraire, ils se réduisent après chaque aménagement gagné sur la mer. Au fur et à mesure, les espaces naturels se réduisent irréversiblement et les conflits d’usages deviennent plus fréquents. Ainsi, le développement des activités humaines sur la mer n’est pas durable.

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